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Manager la sérénité par la stratégie du pire

Nous étions au bord d'un lac. Entouré des ados que l'on encadrait. Il faisait beau et les jeunes alternaient entre baignade et bronzage. La belle vie des colos.

Le lac était petit, une trentaine de mètres de diamètre. Zone de baignade autorisée mais non surveillée, nous étions plus d’adultes que nécessaire (et réglementaire).

Une de mes collègues s'est alors mise en tête de traverser l’étang à la nage avec un groupe d'ado volontaires.

Parmi eux, Julie, enthousiaste, sportive, sympa. L’ado qui en groupe fait que le groupe est cool.

Au milieu du lac, notre Julie a regardé l'animateur qui était à côté d’elle. Blanche, elle lui a dit "j'en peux plus".

Elle a coulé l'instant d'après en même temps qu'elle a perdu connaissance.

Elle s'appelait Julie, elle avait 15 ans.

L’animateur, c'était moi.




Ce jour là, j'ai dit à l'animatrice, ma collègue qu'elle ne pourrait rien faire si un gamin avait ce type de difficulté.

J'ai demandé à un troisième collègue de surveiller le plan d'eau pendant que j'accompagnerai le groupe avec elle. Juste au cas où.


Julie n’a rien eu parce que nous avions anticipé le pire, l'improbable.

Nous l'avons sortie de l'eau, elle n'a même pas bu une tasse.

Nous avions un plan qui répondait à : “Ok, ça n’arrive jamais mais imagine que ça arrive, comment on gère ?", Un plan B en somme.



 

Dans la continuité du podcast, cet article est disponible en version audio. Pour écouter l'article :




 


Nous avons eu peur bien sûr, comme rarement.

Et la peur nous a fourni l'adrénaline nécessaire pour sortir la jeune de l'eau. Mais nous avons fait ce qu’il fallait, comme c'était prévu, comme le prévoyait notre plan B, celui qui ne sert à rien, a priori.

On a déroulé sans réfléchir et c'est ce qui a sauvé Julie. Le pire était envisagé dans les grandes lignes, la mise en œuvre a été rapide et bien effectuée.




#1 | Le stress et la peur


Le stress et la peur sont générés par le danger, par l’écart entre une attente et la réalité : celui que l’on perçoit et pire celui que l’on imagine. Ces émotions peuvent être salvatrices si elles sont activées en parallèle d'une action réfléchie ou dévastatrice si elles sont la conséquence de l'hésitation et de la précipitation.


Le stress et la peur sont rarement de bon conseils quand il faut prendre rapidement des décisions et s’organiser.

Le stress et la peur peuvent être de sérieux atouts pour déployer rapidement un plan d’actions défini à l’avance.


Alors se préparer au pire, pour bien réagir, sortir par le haut et in fine être heureux est une clef de la réussite - pour les gros comme pour les petits ennuis potentiels.


Evidemment le niveau de stress et de peur acceptable est propre à chacun. D’aucun verront des dangers insurmontables là où d’autres voient des opportunités. Le stress et la peur sont donc relatifs. Il ne s’agit pas là de définir les risques et les dangers, mais d’imaginer une solution pour transformer une situation négative en situation positive.


Il est important de se connaître et de comprendre le niveau acceptable de risque auquel nous pouvons faire face. Nous sommes pétris de certitudes, elles sont des freins majeures à la construction des “plans B” cohérents avec qui nous sommes.


#2 | Le pire est une option légitime

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Envisager le pire, c’est envisager une situation que l’on ne maîtrise pas. C’est se projeter dans un contexte face auquel nous n’avons pas les compétences pour réagir. C’est sortir de sa zone de confort par anticipation (peut être pour rien).


Il faut le voir comme une forme d’assurance. Cela ne sert quasiment jamais, mais ça peut être utile. Sortir par anticipation de sa zone de confort peut avoir plusieurs conséquences : un blocage complet au titre que le danger potentiel ne pourrait pas être géré, donc qu’il vaut mieux ne pas s’engager. A titre d’exemple, je sais que je peux marcher sur le bord du trottoir sans tomber. Mais s’il y a 1000 mètres de vide de chaque côté, mon analyse du risque ne sera pas la même et donc je ne m’engagerai pas au regard du risque de chute. Et ce, bien que mon niveau de compétence motrice me permette a priori de franchir cet obstacle. Chacun définit son niveau d’acceptation de peur et de probabilité d'occurrence de l’accident pour prendre une décision.




Envisager le pire et réfléchir par anticipation aux conséquences génère de l’expérience, première source de réussite. Imaginer une réponse et se projeter en elle est une expérience sur laquelle nous pourrons capitaliser pour mieux réagir le moment voulu. Cela augmente aussi la confiance en soi et diminue le niveau d’incertitude.


#3 | Prévoir permet de prendre du recul

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Les solutions sont toujours plus apaisantes que les problèmes. Néanmoins pour avoir une solution il faut avoir identifier le problème et faire le bilan des possibles au regard de nos moyens et de nos capacités.


Faire, même dans sa tête, une gestion ou vivre une situation de manière imaginaire, prépare à sa réalisation, prépare son exécution. Il n’est pas dit que la solution prévue sera la bonne ou qu’une fois réellement confronté nous réagissions comme prévu. Mais prévoir est une partie potentielle de la solution.


Avoir prévu va faire diminuer le niveau de stress et de peur face à l’inconnu. La sérénité qui s’en dégage sera alors une force pour faire face aux éventuelles difficultés et aux adaptations nécessaires.




#4 | La sérénité comme moteur de la vigilance

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Prévoir, imaginer les solutions, n’est qu’une orientation du réel, un choix fait parmi des possibles. Si prévoir c’est gagner en sérénité, il ne faut pas oublier que prévoir c’est surtout choisir, renoncer à d’autres options, et donc accepter que ce choix ait pu être mauvais.


La sérénité gagnée par l’anticipation doit être le moteur de la vigilance, de la prise de recul nécessaire à l’analyse de la situation et à la construction des plans C D E… Quand il y a une décision, un choix, nous renonçons à d’autres possibilités. Ce renoncement ne doit pas être total, c’est une mise de côté, pas un effacement des possibles. Et ce pour rester vigilant et pour ne pas être surpris par l’émergence d’une des hypothèses qui avaient été écartées.


Le futur n’est qu’une hypothèse. Quand je fais un choix, je choisis une possibilité, un possible. En somme je choisis pour découvrir si la solution envisagée était la bonne. Je ne sais donc pas avant de choisir. Je ne choisis pas parce que je sais mais parce que je veux savoir. Choisir ne peut, paradoxalement, se faire sans accepter que tout peut arriver.

Il est alors plus que jamais important de garder en tête les autres possibles, les pires possibles pour préparer des plans alternatifs qui permettront de réagir de manière appropriée.




Nous avons le choix de faire comme si les alternatives à nos choix n’étaient pas possibles. Mais au moment de la décision, la peur et le stress engendrés par la situation réelle, non conforme à notre stratégie unique, seront de mauvais conseils. Réfléchir à un plan B, imaginé, structuré en amont, pourrait donc être salvateur et faire de la peur et du stress des soutiens face à l’adversité.


Aucun plan ne collera jamais à la réalité. Et ce plan ne sera jamais qu’une hypothèse, que l’exclusion de réels possibles dans lesquels nous ne voulions ou pouvions pas nous projeter.


Dès lors, le plan n’est utile que pour se libérer partiellement l’esprit, gagner en sérénité pour emmagasiner de la réactivité et de la qualité décisionnelle.


Prévoir est essentiel, mais prévoir est inutile si l'on s'attend à un résultat certains.



Pour écouter l'article :




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